Jehane bet Ishak est une jeune médecin, fille de médecin, vivant à Fezana, en Al-Rassan. Rodrigo Belmonte est un commandant de cavalerie au service du roi Ramiro de Valledo. Ammar ibn Khairan est un jeune conseiller, politicien, poète et guerrier du roi Almalik. Trois fortes personnalités, trois confessions, trois enjeux qui se rencontrent. Voilà la trame des Lions d’Al-Rassan
En effet, dans ce superbe roman de fantasy, grâce aux trois personnages principaux, Guy Gavriel Kay met en scène trois religions qui cohabite sur une péninsule qui pourrait être ibérique. Les Asharites très proches des musulmans, ils vénèrent Ashar et les étoiles du ciel. Les Jaddites qui représentent les chrétiens vouent leur culte à Jad, Dieu Soleil. Enfin, les Kindath, peuple sans terre, n’ont foi qu’en un Dieu et ses Soeurs, la lune bleue et la lune blanche ; ce sont les juifs.
Dans cette intrigue géo-politique qui n’est pas sans rappeler nos croisades et la reconquête de l’Espagne par les chrétiens, ou encore certains conflits actuels au moyen-orient, l’histoire est portée par l’amour et la loyauté des personnages envers leurs croyances et leurs idéaux. La tolérance envers l’autre tient un grand rôle et la morale en est grandie. Car c’est avant tout un livre sur la difficulté de vivre en harmonie, tous sur une même terre : croyants, payens, chrétiens, juifs et musulmans. GGK donne de la consistance à son récit en ajoutant une foule de détails sur les enjeux, les atouts, les alliances et les antécédents de chacun des événement qui vont de dérouler pendant près de 40 ans dans cette Al-Rassan si passionante.
La force du récit tient dans son pouvoir évocateur. Dès la deuxième ligne le lecteur est plongé corps et âme dans cette Al-Andalous alternative. Cela passe par la qualité des descriptions, la profondeur des personnages, principaux et surtout secondaires, la finesse de l’intrigue et la plume élégante de l’auteur. GGK utilise ici, des thèmes qui lui sont chers : la vengeance, l’amour partagé, la parole donnée, l’être tiraillé entre loyauté et conscience. Son roman en est transposable dans bien des lieux et des époques. La poésie du texte, l’évocation idyllique des jardins et de l’art de vivre asharite/arabe alors à son apogée est à elle seule un régal. Surtout après avoir visité le palais Topkapi d’Istanbul. A noter aussi les descriptions de la connaissance quasi universitaire des médecins kindath/juifs et de l’attachement à la terre des jaddites/chrétiens.
Je conseille donc très fortement cette lecture. Mais attention : on s’attache très vite aux personnages, et le suspens est souvent intenable. C’est à coup sûr un livre vous tiendra en éveil jusqu’à des heures indues !
Guy Gavriel Kay
The Lions of Al-Rassan | EOS | ISBN 099455007993
Les Lions d’Al-Rassan | L’Atalante | ISBN 2841720950
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