Je viens de mettre les pieds définitivement dans mon deuxième quart de siècle. J’ai 26 ans, et alors ? Alors l’année dernière à la même époque, j’étais aux 36ème dessous. Ma première grosse déprime. A me demander ce que je fais sur terre, dans une ville que je déteste, un boulot de merde, des collègues (à part une ou deux exceptions) à vous faire regretter le bon temps du chômage tellement ils « en tiennent une couche » (comme on dit dans la Loire), et d’énormes problèmes de couple. Et je ne vous parle que des facteurs extérieurs. Je tais les « j’me sens pas belle », « j’ai rien fait d’ma vie » et autre « j’suis vieille » d’une voix lamentable.
Bref, j’ai remonté la pente et cette année, un petit coup de blues la veille et hop ! on n’en parle plus. J’ai amené des viennoiseries au bureau, les collègues étaient ravis. J’ai eu des fleurs au bureau, plein de messages vraiment sympa, une quantité de cadeaux, une grosse bouffe avec plein de collègues et une autre grosse bouffe avec des copains. Tout va pour le mieux. Mais alors pourquoi ce malaise l’année dernière ?
J’en ai parlé à d’autres et il ressort que je suis loin d’être la seule. Apparemment, c’est une mode de ma génération qui fait qu’entre 25 et 35 ans, les gens se font leur crise de la trentaine. Ecoutez donc Bon anniversaire de Bénabar ou Ally Mc Beal de Yvan Marc. Ou alors allez donc voir Les poupées russes ou J’me sens pas belle. 30 ans, c’est l’âge du bilan. On se demande où on en est, ce qu’on a fait, ce qu’il nous reste à faire. Et souvent, on a quelque peu bifurqué de la voie qu’on imaginait toute tracée au sortir de l’adolescence. Et ça rate rarement : ça fout un coup au moral !
Mais alors ? Quel est le plus bel âge ? Certains disent « c’était avant : quand on était étudiants et insouciants », d’autres « Tu verras plus tard, quand tu verras grandir tes enfants, c’est génial » ou encore « Voir grandir ses petit-enfnast, c’est vraiment la plus belle joie imaginable ». Oui, d’accord, si vous voulez. En tout cas, le plus bel âge, ce n’est pas 30 ans. Faisons un bref tour d’horizon.
Avant 15 ans, pas grand chose à dire, on est trop occupé à apprendre. A marcher, à parler, à dire « bonjour Madame », « merci », « au revoir Monsieur », à écrire, à compter, à lire, à parler anglais, à résoudre des équations, à envoyer promener ses parents, où est la Géorgie, qui était ce satané Bonaparte, à se prendre un râteau, à embrasser, à mentir, à tricher. On apprend encore et toujours. On apprend à devenir adulte. Et pendant ce temps, on a des boutons plein la figure, trop de formes là où on n’en voudrait pas, si peu où on en rêverait. On rêve du jour où on quittera la maison et qu’on volera de ses propres ailes. Ou alors on regrette amèrement le temps où on pouvait encore se cacher dans les jupes de sa mère.
Assez vite arrive la tranche 15-18 ans. Adorée des banquiers, modistes et maintenant des opérateurs téléphoniques. Détestée des parents (et sûrement des profs). Là on ne sait faire qu’une chose : dire non (de nos jours c’est « j’suis vénère ! »). Non à quoi ? On ne sait pas, mais ça sonne bien et surtout, surtout, ça fait hurler papa et maman ! Certains roulent leurs premiers (ou pas si premiers que ça) joints d’autres déroulent leur premiers préservatifs. Génération Sida, là y a de quoi être vénère. Mais là encore, c’est dur de dire que c’est le plus bel âge.
Après 18 ans et jusqu’à 25 ans, vient l’émancipation. Les plus chanceux vont à la fac. Les fameuses années en or de l’étudiant. Emancipation des garçons qui deviennent officiellement adultes (enfin, sur le papier au moins). Emancipation de la femme qui finit par accepter ses formes. Pas un rond, mais plus les parents sur le dos non plus, ça compense. Des bringues d’enfer, des profs pas trop regardant sur l’absentéisme, toujours autant de joints, mais toujours aussi peu de fric. Dans cette même période, on finit ses études, on goûte aux joies du chômage. Sida et chômage, je trouve que les dieux nous font payer un peu cher la mini révolution de nos parents. C’est bien beau de pouvoir voter et de voler de ses propres ailes, mais on a toujours aussi peu de tunes. Mais on sent quand même monter l’envie de devenir un bon petit consommateur. Pour ceux qui trouvent un job, c’est trop souvent alimentaire.
Autour de 30 ans, comme je le disais, on gagne sa vie, masi on en fait rien d’autre. Plus le temps de sortir, bosser ça fatigue, et puis après minuit le carrosse se transforme en citrouille (à Paris, ça veut dire : « plus de métro ! »), et en plus le lendemain faut se lever pour retourner bosser. Non vraiment, ça vaut pas le coup d’aller en boîte. Quoi on se fait vieux ? On se cherche des excuses ??? Nonnnn !!! Enfin… si. Un peu… Mais bon, le jeune patron est souvent moins compréhensif que le vieux prof de fac. Et puis le bilan est maigre. Tu voulais un job génial et t’es loin d’être sans reproche face à ton job. Tu voulais une femme et des enfants. Pas de chance, en général si t’as l’un, t’as pas l’autre. Et certains cherchent encore leur « Petite Ally », la dernière poupée gigogne, celle qui ne demandera pas le divorce. Non vraiment, 30 ans, c’est pas terrible.
Le cap de la quarantaine semble un peu plus facile à doubler. On a enfin une famille, et plus seulement un foyer fiscal. Mais les enfants qu’on avait voulu si fort… ils commencent à dire non et veulent choisir le programme télé, les ingrats. Et on oublie qu’on a eu leur âge. On court du banquier (le grand va passer la conduite accompagnée) à la psychologue (la petite dernière vient d’embrasser son premier petit copain) en passant par le sophrologue et le cours de yoga (notre cher mari vient de se voir refuser une promotion en faveur d’une blonde. Une blondasse, tu te rends compte ?!) Les femmes ont muté en mères, plus moyen de faire machine arrière, elles sont absorbées dans leur rôle, et elles jouent sur tous les tons. Les hommes deviennent carriéristes pour échapper aux scènes de ménage. « C’est moi qui fait toujours tout ici ! » est sur toutes les lèvres. Vivement la retraite !
La retraite, pourtant, ce n’est pas pour tout de suite. Avant de l’atteindre, il faut franchir avec brio la crise de la cinquantaine. Madame change de couleur tous les mois. Monsieur zieute les femmes de la moitié de son âge avec un regard d’obèse au régime. On se connaît par cœur, à quoi bon. Les enfants sont partis de la maison et ne pensent à revenir que quand le sac de linge sale devient vraiment trop encombrant. Et en plus ils viennent avec leur petite-amie et son linge sale à elle aussi. Comme si on n’avait que ça à faire ??? Pour couronner le tout, la belle mécanique qui ne vous à jamais fait défaut commence à donner des signes de fatigue. On doit changer de lunettes, et d’alimentation. Non, vraiment vivement la retraite !
Et quand enfin elle arrive, on commence à se demander ce qu’on va faire. Cette fois il faut changer des pièces. Remettre de l’huile dans le moteur ne suffit plus. Un genou, une épaule, l’arthrose s’installe. Les enfants ont leurs propres enfants et essayent de nous les refiler pour aller en vacances. En même temps, ça refait du monde à la maison, c’est bien aussi. Les lego bien rangés au grenier resservent, la « cabane du jardin » retrouve une deuxième jeunesse, et nous aussi finalement. Le plus bel âge ? Pour mourir, peut-être.
Et si finalement le plaisir n’était pas dans un âge en particulier mais dans l’enchaînement de toute ces étapes ? Surtout quand on peut partager tout ça avec d’autres. Un, deux ou plusieurs, peu importe finalement. Peu importe que nos parents nous aient donné une adolescence qu’on aurait voulu autre, quand on les voit tout fier le jour de nos noces. Peu importe que l’enfantement soit si douloureux quand on prend dans ses bras le fils de son fils. A la fin, on retient les grandes joies et les petits bonheurs et on oublie les chutes, les aigreurs, les renoncements.
C’est ça pour moi le plus bel âge. Celui où il ne reste que le meilleur.
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[…] années se suivent et ne se ressemblent toujours pas ! Il y a deux ans, je déprimais à mort. L’année dernière pour éviter le […]
samedi 17 novembre 2007